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Hydrocarbures

Remaniement ministériel: Youcef Yousfi ou le départ de l’homme de schiste

Par Yazid Ferhat
14 mai 2015
Pour les mines comme pour l'énergie, Youcef Yousfi est partisans du tout-Etatl'Etat

Le successeur du sulfureux Chakib Khelil qui fait l’actualité scandaleuse à Milan où le procès des pots-de-vin de la Saipem est programmé pour le 12 juin, est remplacé par Salah Khebri, PDG de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP) depuis 2006. Un homme du secteur qui est également passé par Sonatrach après avoir longuement travaillé comme enseignant à l’Institut national des hydrocarbures et de la chimie (INH) à Boumerdès.

 

 

Louisa Hanoune pourrait se targuer d’avoir eu la « peau » de Nadia Labidi, la ministre de la culture qui a été remplacée par Azzedine Mihoubi, ancien DG de la radio et ex-secrétaire d’Etat chargé de la Communication, un proche de Ahmed Ouyahia.

Mais dans la bataille, au ton souvent vindicatif menée ces dernières semaines, elle a « perdu » davantage au plan politique avec le départ de Youcef Yousfi, qu’elle était encline à mettre, ainsi que Abdelmalek Sellal, dans « l’axe du bien » par opposition à « l’axe du mal », incarné selon elle par 30% des ministres.

Le successeur du sulfureux Chakib Khelil qui fait l’actualité scandaleuse à Milan où le procès des pots-de-vin de la Saipem est programmé pour le 12 juin, est remplacé par Salah Khebri, PDG de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP) depuis 2006. Un homme du secteur qui est également passé par Sonatrach après avoir longuement travaillé comme enseignant à l’Institut national des hydrocarbures et de la chimie (INH) à Boumerdès.

C’est l’un des changements les plus notables du remaniement ministériel annoncé ce jeudi 14 mai par la présidence de la république. Le départ n’est cependant pas surprenant malgré les éloges appuyés que n’a cessé de lui faire la secrétaire générale du PT qui a la même « culture fossile » que Yousfi.

Fuite en avant

Beaucoup d’analyses reprochent au ministre de l’énergie de faire dans la fuite en avant en ressassant un discours rassurant au sujet du déclin de la production pétro-gazière dans le pays avec parfois des annonces démesurées comme pour la découverte du puits de Hassi Toumiet.

Les experts soulignaient qu’à l’horizon 2030, l’Algérie pourrait avoir de la peine à assurer la couverture de sa consommation interne et qu’il faut engager le virage énergétique qui combine aussi bien une rationalisation d’une consommation interne qui tourne à la gabegie et aller de manière résolue avec le renouvelable.

Droit dans ses bottes, Youssef Yousfi, a maintenu que la production algérienne n’était pas en déclin avant de sortir, comme une sorte de baguette magique, l’option de l’exploitation du gaz de schiste, qui, dans le meilleur des cas, ne serait pas effective avant une dizaine d’années.

L’action de Youssef Yousfi a consisté à parler aux entreprises étrangères pour les intéresser à l’exploitation du gaz de schiste avec un aménagement de la loi sur les hydrocarbures qui offre de nouveaux avantages fiscaux. Un effort de communication important a été fait en ce sens.

Yousfi fait sensation à Houston… pas à In Salah

Le ministre algérien avait « fait sensation », la formule est du New York Times, en mars 2011, à Houston, au Cera Week 2011 (Cambridge Energy Research Associates), lors d’une importante conférence annuelle des acteurs des hydrocarbures, en annonçant que les réserves de l’Algérie en gaz de schiste étaient aussi importantes que celles de  » certains des champs américains majeurs ».

Dans la « tradition » des gouvernants algériens, Yousfi n’a cependant pas jugé utile de convaincre les Algériens et notamment ceux qui vivent à proximité des gisements potentiels du gaz de schiste du bien-fondé de sa démarche.

Et alors que les compagnies étrangères restaient circonspectes, la « solution » du gaz de schiste est devenue, de manière totalement imprévue, un problème majeur pour le gouvernement. Le 31 décembre 2014, Youcef Yousfi, pensait, sans doute, avoir atteint son but en annonçant le forage du premier puits-pilote du gaz de schiste dans l’Ahnet, à In Salah.

Ce qui devait être un couronnement est devenu au contraire le commencement d’une contestation sans précédent – totalement inattendue par le pouvoir alors que les anti-gaz de schiste travaillaient déjà depuis longtemps sur les réseaux sociaux- de la politique énergétique du gouvernement, domaine aussi réservé que les affaires étrangères ou la défense.

Les tentatives, tardives, de convaincre les contestataires de In Salah et dans d’autres régions du sud qu’il s’agit de simples explorations et que l’environnement ne serait pas menacé, se sont avérées sans succès.

In Salah change la question

Louisa Hanoune est monté à la défense de Yousfi non sans se laisser aller à des accusations de complot extérieur. « Depuis quand l’Etat consulte les citoyens pour construire un pont ou une route ? Pourquoi alors on reproche aujourd’hui à l’Etat le fait qu’il n’ait pas demandé l’avis des citoyens pour l’exploration du gaz de schiste » a-t-elle lancé.

L’engagement des membres de la CNLTD sur le dossier du gaz de schiste a suscité une réaction dure du président Bouteflika contre les opposants qui mèneraient une « politique de la terre brûlée ». A l’adresse de la contestation des populations du sud, il s’est dit « particulièrement affligé de voir des enfants de la région poussés à nuire à l’Etat de leur pays » et que « d’autres tendent à mettre en doute le dévouement et l’intégrité des dirigeants de leur Etat ».

Mais la gestion du dossier du gaz de schiste par Youcef Yousfi a créé une situation de défiance politique sans précédent dans le sud du pays. In Salah a inversé la question d’apparence ingénue posée par Louisa Hanoune: jusqu’à quand peut-on mener des politiques énergétiques ou autre qui engagent durablement l’avenir du pays sans demander l’avis des citoyens?

Le départ de Yousfi est peut-être, en attendant de connaître les idées du nouveau ministre qui a quand même un profil « fossile », un message d’apaisement à In Salah…

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