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Situation économique en Tunisie : Kaïs Saïed face aux défis d’un pays en crise

Par Mecipsa Amokrane 23 juin 2025

Treize ans après la chute de Ben Ali, la Tunisie s’enlise dans une crise économique majeure et une recomposition politique sans précédent. Alors que le pays tente de relancer son économie sous perfusion financière extérieure, le président Kaïs Saïed impose une vision souverainiste du développement, recentrant les pouvoirs et se posant en chef d’orchestre exclusif de l’État. Une orientation qui divise autant qu’elle intrigue, dans un contexte de tensions sociales, de fragilité budgétaire et d’interrogations sur l’avenir démocratique du pays.

Une économie en « état d’urgence »

L’annonce récente d’un plan de relance des finances publiques par Kaïs Saïed survient dans un climat de détresse économique palpable. Le chef de l’État tunisien a déclaré qu’il était urgent de redynamiser le financement public, tout en respectant les principes de souveraineté, d’autosuffisance et d’indépendance vis-à-vis de l’étranger. Ce discours s’inscrit dans une séquence marquée par l’approbation d’une aide de 500 millions d’euros de l’Union européenne, précédée par un soutien du FMI à hauteur de 2,9 milliards de dollars. Malgré ces appuis, la situation demeure critique : l’inflation reste élevée, les finances publiques sont fragilisées et le pays dépend de plus en plus des prêts pour boucler son budget.

Le recentrage du pouvoir autour de la présidence

Ce tournant économique s’accompagne d’une recentralisation politique assumée. Depuis son élection en 2019, Kaïs Saïed a progressivement affaibli les contre-pouvoirs : suspension du Parlement en 2021, gouvernance par décrets, adoption d’une nouvelle Constitution en 2022 renforçant le pouvoir exécutif. Aujourd’hui, les grandes lignes de la politique budgétaire sont directement tracées depuis le palais de Carthage, comme en témoigne la récente réunion stratégique avec la Première ministre et les ministres de l’Économie et des Finances.

Kaïs Saïed affirme vouloir rompre avec les anciennes pratiques, critiquant ouvertement « la loyauté envers le pouvoir » et les « systèmes de partis » qui ont, selon lui, bloqué le développement du pays après 2011. Il appelle à des solutions « multidisciplinaires et globales » visant à bâtir une société fondée sur la création de richesse, la justice sociale et la réforme administrative.

Une rupture avec l’orthodoxie économique

Le président tunisien persiste dans une stratégie économique souverainiste, défiant les logiques des bailleurs internationaux. Il a ainsi refusé certaines conditions imposées par le FMI, préférant recourir à des mécanismes internes tels que l’emprunt domestique ou la mobilisation fiscale. « Nous ne voulons plus de diktats étrangers », martèle-t-il.

Mais cette posture, saluée par une partie de la population comme un acte de courage, suscite de vives inquiétudes chez les économistes. La Tunisie, en se privant de financements extérieurs durables et en affaiblissant l’indépendance de la Banque centrale, risque d’accroître son instabilité monétaire. Le dinar est sous pression, les pénuries de produits de base persistent et les retards de salaires dans la fonction publique s’accumulent.

Entre espoir populaire et désillusion révolutionnaire

La politique de Kaïs Saïed divise. Pour certains, il représente un rempart contre les élites corrompues, un président austère et honnête, porteur d’un projet alternatif. Pour d’autres, il incarne une dérive autoritaire, éloignée des promesses de la Révolution de Jasmin.

« Il y avait un consensus après la révolution que la démocratie devait s’accompagner de réformes économiques inclusives. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une concentration du pouvoir sans transparence, avec un appauvrissement croissant du peuple », déplore une militante du Forum social tunisien. À l’inverse, certains citoyens estiment que : « les islamistes et les libéraux ont échoué, et que Kaïs Saïed tente, au moins, autre chose. »

Plaidoyer pour des solutions plus équilibrées

La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant. Les projets lancés par la Banque mondiale, les aides européennes et les réformes annoncées pour le budget 2026 témoignent d’une tentative de construction à long terme. Mais le climat reste tendu: l’endettement intérieur explose, les dépenses publiques doivent être réduites et l’investissement privé peine à redémarrer.

Les experts, à l’instar de l’économiste Reda Al-Shakandali ou de l’analyste politique Al-Mondher Thabet, appellent à un dialogue entre les institutions et les spécialistes pour concevoir des solutions plus équilibrées. Ils insistent sur la nécessité de réformes fiscales, d’une meilleure gestion de l’inflation et de la réduction de la dépendance à l’emprunt.

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