Le président Abdelmadjid Tebboune a lancé jeudi trois projets dans la wilaya de Constantine : un CHU, un complexe sportif démesuré et une usine pharmaceutique. Des promesses qui suscitent autant d’espoirs que de scepticisme dans une région habituée aux chantiers qui s’éternisent.
Constantine a eu droit jeudi à son lot d’inaugurations en grande pompe. Abdelmadjid Tebboune s’est déplacé dans la deuxième ville d’Algérie pour poser les premières pierres de trois projets censés transformer le visage de la région. Un exercice de communication rôdé, mais qui peine à masquer les questions qui persistent : ces chantiers verront-ils vraiment le jour dans les délais annoncés ?
Un CHU attendu depuis quinze ans
Le futur centre hospitalo-universitaire est présenté comme la solution miracle aux maux du système de santé local. Avec 500 lits, 24 services spécialisés et un investissement de près de 10 milliards de dinars, le projet prévoit un délai de réalisation de 28 mois. Une promesse qui détonne avec l’historique du dossier : ce même CHU avait été inscrit dès 2010, avant de disparaître dans les méandres bureaucratiques et les arbitrages budgétaires.
L’affaire avait même pris une tournure internationale. En mars 2014, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en consortium avec Bouygues International et Vamed Engineering, avait été retenue pour construire et mettre en place ce CHU de 500 lits, à la nouvelle ville d’Ali Mendjeli. La cérémonie de remise du cahier des charges par le ministre de la santé de l’époque, à savoir Abdelmalek Boudiaf, actuellement en prison pour des faits de « corruption », s’était déroulée à Alger en présence de l’ambassadeur de France. Onze ans plus tard, on ne sait toujours pas ce qu’est devenu ce partenariat franco-algérien. Le projet a été gelé, déplacé, reconfiguré. Jeudi, c’est le groupe public Cosider qui a été présenté comme maître d’œuvre, cette fois dans le quartier Zouaghi, au centre-ville. Comme si tout repartait de zéro.
Entre-temps, le vieux CHU Benbadis, qui remonte à 1876, continue tant bien que mal à absorber le flux de patients malgré ses 1 400 lits et 51 services devenus largement insuffisants. 70 % des malades, issus de 14 wialays de l’Est, affluent vers le CHU, engendrant une saturation chronique que tout le monde constate mais que personne ne parvient à endiguer. Le nouveau CHU, s’il voit le jour, arrivera avec au moins quinze ans de retard sur les besoins réels.
Un stade surdimensionné dans une ville en souffrance
Le deuxième chantier relève davantage du symbole politique que de l’urgence sanitaire : un complexe sportif aux dimensions européennes, dont l’architecture s’inspire du stade de Wembley. Capacité annoncée 50 000 spectateurs. Au menu, un stade principal, des terrains d’entraînement, un bassin olympique, une salle omnisports, des courts de tennis, un héliport et un parking de 3 500 places. Un catalogue qui impressionne sur le papier, mais dont l’utilité interroge dans une ville confrontée à des problèmes bien plus pressants.
Quant à l’usine pharmaceutique inaugurée en fin de journée, elle promet de produire des traitements respiratoires, des médicaments ORL et certains anticancéreux sur 27 000 m². Plus de 500 emplois seraient créés, selon les chiffres officiels. Là encore, l’annonce s’inscrit dans le narratif gouvernemental de la souveraineté industrielle et de la réduction des importations. Mais entre les discours et la réalité du terrain, l’écart reste souvent considérable.
Car le vrai problème n’est pas tant le lancement des projets que leur achèvement. L’Algérie regorge de chantiers abandonnés, de délais dépassés et de budgets évaporés. À Constantine comme ailleurs, les habitants ont appris à tempérer leur enthousiasme. Ils attendent désormais de voir les pelleteuses à l’œuvre et, surtout, les structures ouvertes au public. D’ici là, les premières pierres posées jeudi resteront ce qu’elles sont souvent en Algérie : des promesses gravées dans le béton.





