“Pas assez de titres négociables, pas assez de sociétés cotées en bourse, absence de liquidité et de système de trading automatisé.” Un expert du marché financier résume ainsi l’état de la Bourse d’Alger. Samedi pourtant, sept banques ont lancé leurs plateformes de trading en ligne. Le numérique suffira-t-il à réveiller un marché quasi moribond ?
Lors du troisième congrès annuel du marché financier à Alger, la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (COSOB) a mis en service sept plateformes électroniques de courtage. La BNA, le CPA, la BEA, la BDL, la CNEP-Banque, Bank Al Salam et Al Baraka Bank permettent désormais à leurs clients d’acheter et de vendre des titres directement en ligne, sans passer par une agence ni remplir de formulaires papier. Un vrai progrès technique dans un pays où la bureaucratie reste la norme.
Youcef Bouzenada, président de la COSOB, défend cette digitalisation comme un levier pour démocratiser la bourse. Entre passer un ordre depuis son smartphone et se déplacer en agence avec paperasse à l’appui, il n’y a effectivement pas photo.
Sauf que le bulletin officiel de la Bourse d’Alger publié ce dimanche 29 décembre dresse un constat implacable. Sur le marché des titres de capital : 29 transactions pour 74,5 millions de dinars échangés. L’indice DZAIRINDEX ? Bloqué à 3 835,23 points, sans la moindre variation. Plusieurs titres affichent “NC” -non coté- faute d’acheteurs. Alliance Assurances, Aurassi : personne n’en veut. Du côté obligataire, une unique transaction de bloc sur des bons du Trésor pour un milliard de dinars. Ailleurs, le néant total.
Et ce n’est pas un mauvais jour. C’est la norme. Depuis un an, les bulletins se ressemblent : indice figé, volumes squelettiques dépassant rarement les 100 millions de dinars par séance, titres régulièrement non cotés. Même la hausse de 268% affichée en 2023 ne reflétait que quelques pics isolés, pas une dynamique réelle. La capitalisation boursière totale plafonne à 22 milliards de dinars, à peine 150 millions d’euros pour un pays de 45 millions d’habitants.
Numériser un marché qui n’existe presque pas
Moderniser l’accès via des plateformes numériques, pourquoi pas. Mais on numérise quoi au juste ? Un marché où huit titres seulement sont cotés au compartiment principal, où les échanges se font au compte-gouttes, où l’indice reste figé pendant des jours. Le problème n’est pas technique. Il est structurel.
Les entreprises algériennes rechignent à s’introduire en bourse, préférant le financement bancaire classique. Les particuliers ne connaissent rien au marché actions. Et l’État semble avoir rangé cette place financière au rayon des projets sans avenir.
Les autorités présentes au congrès -le ministre de l’Économie de la connaissance Nourredine Ouadah, le conseiller présidentiel Farid Yaïci -défendent cette transformation numérique comme un pan d’une stratégie plus large. Mais sans nouvelles introductions en bourse, sans liquidité, sans éducation financière du grand public, difficile de voir comment des applications mobiles changeraient quoi que ce soit.