La Tunisie traverse une séquence politique et sociale tendue, cristallisée par une convocation diplomatique qui masque une profonde crise économique interne. Le président Kaïs Saïed a convoqué, ce mardi 26 novembre 2025, l’ambassadeur de l’Union européenne, Giuseppe Perrone, pour lui faire part d’une « protestation ferme ». L’objet de cette démarche, rarissime, était de dénoncer le « non-respect des règles de la diplomatie » et le « recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques ».
Cette ferme réprimande est survenue peu après une rencontre entre le diplomate européen et Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). En saluant publiquement « le rôle important » de la centrale syndicale « en faveur du dialogue social et du développement économique » en Tunisie.
La délégation de l’UE a involontairement déclenché une crise de souveraineté aux yeux de Carthage. Pour le président Saïed, l’engagement d’un partenaire étranger avec des acteurs non-étatiques, sans passer par les institutions officielles, constitue une « violation des usages diplomatiques ». Cette tension souligne la difficulté de la Tunisie à articuler sa souveraineté politique avec les impératifs de coopération économique et sociale dictés par ses partenaires internationaux, notamment l’UE.
UGTT : le contre-pouvoir aux 700 000 adhérents face à la baisse du pouvoir d’achat
La convocation de l’ambassadeur résonne d’autant plus que l’UGTT est en état d’alerte maximale. Forte de ses plus de 700 000 adhérents et auréolée de son Prix Nobel de la Paix en 2015, la centrale syndicale tunisienne a brandi la menace d’une « grève générale » nationale. Cette menace intervient après le succès d’une grève à Sfax et vise à défendre les « acquis matériels et sociaux des travailleurs » face à des « difficultés quotidiennes ».
L’enjeu est strictement économique et social. Le secrétaire général de l’UGTT dénonce une « baisse du pouvoir d’achat » des Tunisiens, confrontés à l’envolée des prix, en particulier des produits alimentaires. Malgré un taux d’inflation retombé à environ 5 % après un pic à 10 % en 2023, la réalité du terrain reste marquée par des « conditions de vie précaires ». Le salaire minimum tunisien plafonne autour de 150 euros (520 dinars) pour 48 heures de travail hebdomadaire, un montant jugé largement insuffisant pour garantir un « salaire décent ». L’UGTT mobilise ses troupes pour exiger des hausses salariales et dénoncer l’inaction de l’État face à l’érosion du niveau de vie.





