Depuis l’arrivée de l’administration Trump à Washington, une succession de crises budgétaires, la faiblesse du dollar et la défiance envers les marchés obligataires ont provoqué une ruée mondiale vers l’or. En un an, le métal précieux a bondi de plus de 25 %, atteignant des sommets historiques. Effet inattendu : sans acheter un seul lingot, la Banque d’Algérie voit la part de l’or dans ses réserves de change grimper à un niveau inédit.
Un phénomène purement comptable, mais lourd de conséquences pour la structure financière du pays. Conformément aux normes du FMI, la Banque d’Algérie intègre dans ses réserves officielles la valeur de marché de l’or monétaire qu’elle détient. Chaque hausse des cours internationaux entraîne ainsi une revalorisation automatique de ce stock, sans transfert physique, par simple ajustement comptable.
Premier détenteur africain
Avec 173,56 tonnes, l’Algérie reste le plus grand détenteur d’or en Afrique, devant l’Afrique du Sud et la Libye. Ce stock, accumulé majoritairement sous Boumediene, n’a pas bougé depuis le début des années 2000. Il serait conservé dans les coffres de la Banque d’Algérie à Alger, sans indication d’un dépôt à l’étranger.
Fin octobre 2025, l’once d’or frôle les 3 992 dollars, un doublement par rapport à 2020. À ce niveau, le stock algérien atteint une valeur de 22,26 milliards de dollars, soit environ 5,58 millions d’onces. Une hausse purement comptable, mais qui place l’or au sommet des actifs de stabilité du pays.
Avec 38 %, l’or modifie la structure des réserves
Faute de chiffres officiels récents, les estimations varient au sujet des réserve de change de l’Algérie. Entre les 39,6 milliards de dollars annoncés en juin 2025 dans un communiqué de la banque d’Algerie aussitôt retiré, et les 70 milliards évoqués par la présidence l’été dernier, une extrapolation réaliste situe les réserves de change à 59 milliards de dollars au troisième trimestre 2025. À ce stade, l’or représente environ 38 % du total des réserves. Ce record s’explique par deux dynamiques en ciseau : l’envolée des prix de l’or d’une part et l’érosion des réserves en devises d’autre part.
Cette transformation modifie la nature des réserves algériennes : leur solidité comptable s’accroît, mais leur liquidité se réduit. L’or protège contre la dépréciation du dollar, mais reste difficilement mobilisable pour stabiliser le dinar ou financer les importations. Résultat : des réserves plus rassurantes sur le papier, mais moins opérationnelles à court terme.
L’Algérie au niveau des puissances
Dans le monde, la part de l’or dans les réserves varie fortement : Elle est d’environ 70% aux États-Unis, héritage du système de Bretton Woods. En Allemagne elle avoisine les 68 %, stock réparti entre Francfort, New York et Londres. En Italie, un peu plus de 65 %, l’un des plus hauts ratios du G7. En Russie l’or représente 26 %, des réserves de change, résultat d’achats massifs depuis 2014. Au Kazakhstan il est autour de 23 %, avec une politique similaire à celle de Moscou et en Chine la part de l’or est de seulement 5 %, malgré une accumulation continue, les excédents en devises étant considérables chez le premier exportateur du monde.
Avec 38 %, l’Algérie rejoint un club restreint de pays où l’or occupe une place stratégique dans la politique monétaire. Aucun autre État africain ne dépasse les 10 %. Ce ratio place Alger au niveau de certaines puissances industrielles, mais souligne aussi une plus forte exposition à la volatilité du marché aurifère.
Une bascule possible dès 2026
La montée en puissance de l’or valorise le patrimoine national, sans pour autant renforcer la capacité d’action immédiate de la Banque d’Algérie. Sur le plan de la balance des paiements, la revalorisation améliore l’image financière du pays, mais ne génère aucun flux réel. C’est un atout de crédibilité, pas un levier de liquidité.
Si l’or franchit le cap des 4 500 dollars l’once en 2026, la valeur du stock algérien dépasserait 25 milliards de dollars. À réserves constantes, sa part atteindrait alors près de 50 %. L’Algérie entrerait dans le cercle très fermé des pays dont les réserves monétaires sont dominées par l’or. Un symbole de sécurité, mais aussi un signal d’une dépendance accrue aux soubresauts du marché mondial des métaux précieux.





